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  • Naples, une ville bouillonnante
  • Danses du sud de l’Italie : tammurriata, tarantella et pizzica

 

 

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Fresque trouvée à Pompéi.

 

Juin 2019

 

Naples, une ville bouillonnante

Un nouveau contrat de travail terminé, l’été arrive. Je remplis mon sac à dos qui a hiberné tout l’hiver dans un placard, et peux reprendre la route ! Cette année, j’ai choisi d’aller découvrir les danses italiennes. Un bus m’amène jusqu’à Turin, puis je descends vers Florence et Rome, avant de gagner Naples. Plusieurs personnes m’ont conseillé d’aller vers la région de Campanie pour y chercher des danses qui y sont encore pratiquées. J’ai donc hâte de descendre vers le sud ! Et plus je m’en approche, plus il fait chaud, et l’ambiance change…

Plusieurs villes italiennes ont un patrimoine culturel très riche, datant de l’Antiquité, de la Renaissance, de l’époque romantique… Quand on est de passage, on apprécie les musées et les monuments historiques : le Ponte Vecchio, la Chapelle Sixtine… Tout ces éléments culturels qui appartiennent au passé. Mais à Naples, je découvre une vie bouillonnante ! C’est l’une des plus anciennes villes d’Europe. Pourtant, je trouve que passé et présent cohabitent harmonieusement. Par exemple, les galeries souterraines construites par les Grecs il y a 2500 ans ont été utilisées jusqu’au XIXe siècle, notamment les citernes qui servaient à stocker l’eau de la ville et qui étaient entretenues par les pozzari, les puisatiers, ou encore l’immense réseau de couloirs et de salles qui a servi d’abri pendant la Seconde Guerre Mondiale. On peut aujourd’hui visiter ces souterrains. Les caves des immeubles sont construites dans les ruines de deux anciens théâtres romains. Des arcades antiques reliant des immeubles récents sont habitées. J’aime me promener et me perdre dans le dédale de rues étroites au pavement fait de roche volcanique noire. Le linge est suspendu d’un immeuble à l’autre, et sur chaque balcon on aperçoit un seau appelé panero relié à une corde qui sert à se faire livrer des courses sans avoir à monter et descendre les escaliers. Il y a aussi toutes sortes de magasins de meubles d’antiquité, des boulangeries et pâtisseries, et des commerces de proximité vendant des bassines en plastique, des téléphones, des télécommandes, du chocolat, des stylos, des chaussures, des jouets, des pièces détachées de scooter… un joyeux bazar ! Comme en Asie, j’observe aussi des autels un peu partout, de toutes tailles, dédiés à la Vierge Marie, à Jésus et à de nombreux saints, que les riverains viennent ouvrir et épousseter le matin, déposant des fleurs et des bougies. Ca me rappelle l’hindouisme et le bouddhisme, avec les autels à Shiva, à Ganesh, à Bouddha. D’étranges traditions à la limite entre le christianisme et la paganisme sont encore pratiquées, comme le culte des âmes du Purgatoire, qui veut que l’on adopte un défunt anonyme dont les ossements ont été entreposés dans l’une des nombreuses catacombes de Naples, notamment dans le quartier de la Sanita. En échange de prières et d’offrandes afin que son âme soit libérée du Purgatoire, on obtient sa protection. Cette tradition, interdite par l’Eglise catholique dans les années 60, est aujourd’hui pratiquée clandestinement.

 

Pour plus d’informations sur Naples, j’ai trouvé ce site francophone très complet que je recommande : Bella Napoli.

 

 

Danses du sud de l’Italie

C’est ainsi que de balades en rencontres, je fais la connaissance d’un couchsurfer nommé Giovanni. Très intéressé lui aussi par les traditions locale, il m’emmène à la Festa della Tammorra, un festival de musique locale dans la petite ville de Carinaro, au nord de Naples. Durant trois jours, la scène accueille des musiciens locaux, tels que Ambrogio Sparagna, et c’est l’occasion de venir danser. Nous rencontrons alors un jeune musicien de la région, un autre Giovanni, qui joue dans un ensemble familial de musique traditionnelle. Quand je lui explique les raisons de mon voyage, il s’emploie tout de suite à partager avec moi tout ce qu’il sait des musiques et des danses locales ! Les tarantella, les tammurriata et les pizzica n’ont pas de secret pour lui. Je remarque que la plupart des gens danse avec des castagnettes, auxquelles sont accrochés des rubans, et je vais aussitôt m’en acheter une paire en bois d’olivier. Le vendeur me montre alors ses différents instruments de musique : les percussions avec le triccheballache, dont on entrechoque les bâtons de bois couverts de petites cymbales, la tammorra, un grand tambourin, et le putipù, un instrument qui ressemble à un tambour mais au lieu de frapper sa peau, un bambou y est enfoncé et son frottement avec les mains mouillées crée un son de basse.

 

Giovanni se joint à lui pour jouer un morceau, puis une femme m’invite à danser. En trois minutes, des passants forment un cercle autour de nous, tapant des mains en rythme : une belle initiation spontanée à la tammurriata !

Ici, les musiciens jouent du putipu, de la tammorra et du triccheballacche.

 

La danse de la tammurriata tire son nom de l’instrument principal qui l’accompagne : la tammorra, ce large tambourin qui a un rôle de guide pour les danseurs durant la danse. Des chanteurs peuvent improviser. Cette musique se danse sur un tempo binaire marqué par la tammorra et est typique de la région de Campanie. Elle me paraît très joyeuse et se danse à deux, face à face, en miroir et avec des castagnettes dans les mains. Il y a généralement un jeu d’approche et de séduction entre les deux danseurs, sans pour autant qu’il y ait de contact physique. Si un/e autre danseur/seuse souhaite entrer dans la danse durant la votata, le refrain du morceau, il/elle doit alors s’imposer et prendre la place de l’un/e des danseurs/seuses pour lui voler son ou sa partenaire !

 

 

La tarantelle, quant à elle, serait née dans le sud de l’Italie vers 1600. Elle serait à l’origine une musique de divertissement à la cour royale devenue populaire… Ou serait-ce la musique du peuple qui influença les musiciens de la cour ? Les instruments alors utilisés sont la chitarra (guitare), la mandoline, la flûte à bec ou traversière, et le tamburello, un petit tambourin donnant un tempo ternaire. Des chanteurs peuvent accompagner la musique, en solo ou en polyphonie.

 

 

Une version d’une tarantelle « la Cicerenella » reprise ici par le Concert de l’Hostel Dieu, pour le spectacle Folia du chorégraphe Mourad Merzouki :

 

 

Le pizzica vient d’une région plus au sud de l’Italie, les Pouilles. Dans cette zone du pays, des araignées appelées tarentules sont venimeuses et dangereuses. Traditionnellement, lorsque quelqu’un se fait piquer par une tarentule, il doit danser frénétiquement afin d’extraire le venin de son corps, accompagné des musiciens et aidé par gens du village. Dans certains villages, il s’agirait plutôt du venin d’un serpent. C’est donc à l’origine une sorte de rituel d’exorcisme, une danse thérapeutique. Ce rituel a également été pratiqué pour exorciser des personnes d’un mal existentiel, qui n’est pas dû à la morsure d’un animal mais plutôt à un état de choc émotionnel empêchant la personne de vivre et raisonner au quotidien, comme si elle était possédée. L’une des particularités des pizzica est que les musiciens vont crescendo, accélérant peu à peu le rythme et entraînant les danseurs dans une véritable transe ! Je trouve cela très exaltant, mais aussi fatigant !

 

 

 

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